Savions-nous en démarrant nos réunions CercleAPE fin 2015 ? Savions-nous que nous en arriverions à créer un bel évènement créatif, un lancement d'éclosion de projets fin 2017 ? Savions-nous que 900 personnes se connecteraient à un réseau social sur les Cercles d'Apprentissage ?
A l'automne 2015, des professionnels de l'enseignement, du management, des RH, des coachs, managers originaires de toute la francophonie rejoignent le dispositif "Apprendre à apprendre ensemble" initié par Denis Cristol qui leur propose de suivre un "MOOC connectiviste" qui s’appuie sur le présupposé pédagogique de l’énaction. 900 personnes soutiennent ce projet et 25 groupes se sont crées en France, Canada, Belgique, ainsi qu'un cercle international qui fera le lien avec l'Afrique et la Guadeloupe.
L’idée de MOOC connectiviste réside dans le fait d’apprendre les uns avec les autres et les uns des autres. Elle présuppose l’horizontalité des objectifs qui se définissent individuellement et se combinent collectivement.
Illustration Jocelyne Turpin
L’exemple du MOOC ITYPA, autre MOOC connectiviste dont le nom signifie "Internet, tout y est pour apprendre", a été à cet égard exemplaire. Il a notamment permis d’atteindre un objectif de consolidation d’une communauté de professionnels plus à l’aise avec les technologies du WEB, de se construire des environnements personnels d’apprentissage et de revoir leurs pratiques socio-numériques.
Ce sont les mêmes mécanismes qui ont fédéré le MOOC Apprendre à apprendre ensemble du #CercleAPE. Ce type de processus se nourrit de l’énergie de ceux qui donnent de leur envie, de leur temps de leur motivation pour le collectif ; qu’ils soient tous remerciés pour avoir initié le mouvement. Ils ont fait le premier don. A nous de proposer un contre-don et de proposer d’autres initiatives.
L’idée énactioniste renvoie aux travaux de neurosciences de Francisco Varéla. Pour faire simple, nous apprenons chemin faisant. C'est une méthode itérative. Notre cerveau est stimulé par son environnement et au fur et à mesure qu’il est stimulé, les connexions entre les neurones se modifient. Dès lors, la succession des événements auxquels un individu est confronté dans cet environnement est la source des apprentissages. Suivant ce principe, pour favoriser des apprentissages autonomes, il s’agit moins de baliser tout un « parcours de formation », avec ses étapes et ses obstacles à franchir, qu’à poser dans un environnement des ressources, des indices, des obstacles, des défis à relever qu'ils soient des réussites ou des échecs. C'est un laboratoire d'expérimentation. Nous dirions que l'important est de créer un environnement capacitant, rendant capable d’agir. La structure prend forme une fois le chemin accompli comme lorsque nous découvrons le paysage dans son ensemble du haut de la montagne après l’escalade. Mais l'essentiel de cette aventure est sans doute le chemin, les compétences et les liens entre les participants du Cercle d'Apprentissage.
Illustration Jocelyne Turpin
« Si tu veux convaincre les gens de construire un bateau avec toi, ne leur parle pas d’outil, de plan et de budget, partage ta passion de la mer ». St-Exupéry.
Dans le voyage proposé, nous ne voulons pas donner aux participants tous les outils et le plan détaillé du bateau mais le désir de la mer et du grand large, alors ils iront vers les outils et construiront eux-mêmes le bateau pour naviguer. Notre question centrale est comment renforcer l'initiative, l'envie, comment faire embarquer chacun ? Le lieu où les gens aborderont sera-t-il l'Inde ? Ou peut être découvriront-ils l'Amérique? Ou les îles Sandwich ? A eux de choisir et de voir. A chacun d’aider les autres à hauteur de son savoir, de son pouvoir, de ses moyens. Plus on sait, plus on est responsable pour soi et au service des autres.
Le voyage ensemble n'importe-t-il pas plus que la destination? Et si l'on est en bonne compagnie, toujours soutenant les uns envers les autres, n'est-ce pas là que naissent les opportunités ? De projets ? D'apprentissage ? D'emploi ? De rencontres imprévues et nourrissantes ? La co-création en Cercle est un des plus beaux cadeaux, qui ouvre les compétences du groupe, qui permet aux uns et aux autres de se découvrir et qui stimule l'envie d'aller plus loin dans les projets, dans les liens inter-personnels, dans l'entraide au-delà des intérêts individuels au profit des intérêts du collectif et plus loin de la société.
Notre approche se situe aussi dans un regard inconditionnellement positif sur toutes les possibilités des personnes. "Si l'on traite un individu tel qu'on croit qu'il est, il restera ce qu'il est, si on traite cette personne telle qu'on croit qu'elle pourrait être alors elle le deviendra". Apprendre ensemble, c’est se confronter avec la difficulté de faire avec la différence des autres qui ont des rythmes différents, des envies différentes, des points de vues différents. C'est s’interdire de fixer des objectifs, mais aussi de les remplacer par des intentions, des façons de faire, des façons d'être individuelles et collectives, des façons de présenter au monde, de se connecter et surtout de faire grandir l’intention commune.
Les ingrédients essentiels de cette démarche sont l’altérité, l’empathie. Et, de façon induite, le souci que notre environnement qui nous porte soit juste. Ceci est à nos yeux très important.
Confiance, la capacité à fédérer des personnes autour de valeurs et d’ambitions communes.
Bienveillance, la capacité à comprendre et à être indulgent, d’une manière désintéressée, envers d’autres personnes.
Authenticité, la capacité d’exprimer une vérité profonde de sa personne au delà des conventions et qui traduit sa singularité.
Générosité, la réalisation détachée en faveur d'autrui. C'est la disposition à donner plus que nous sommes tenus de donner et à recevoir moins que nous pourrions réclamer.
Solidarité. Ce sont l'engagement et la dépendance réciproques entre des personnes d’un même groupe.
C’est pourquoi nous donnons conseil à tous ceux qui veulent créer un cercle d'apprentissage de mettre un focus sur apprendre à se disposer dans notre environnement, disposer notre corps (se toucher, être bien dans son corps), disposer notre esprit (méditer), disposer notre attention (se tourner vers des causes justes). S’il peut y avoir un bénéfice dans cette exploration collective, c’est peut-être celui d’enrichir nos postures, notre sécurité ontologique, notre envie d’être au monde et de le partager.
Cette expérience d'apprendre en avançant nous permet d'innover.
L'intention était de créer des cercles d'apprentissage autour de valeurs humanistes, avec des expérimentations diverses en facilitation collective et en production.
Cette liberté de formes sur les résultats d'apprentissage ont favorisé des modèles différents qui sont une source formidable d'enseignements pour les personnes engagées dans l'apprentissage en collectif.
La peur de l'inconnu. Lorsque nous sommes confrontés à de nouvelles façons de faire, des mécanismes de résistance surgissent, suscitant des émotions fortes comme la peur et favorisant habituellement le statu quo. Nous avons besoin de temps pour la connaissance des uns et des autres.
Un manque de motivation. La cocréation est un processus qui prend du temps et si celui-ci s’étire sans que des résultats ou des succès collectifs soient au rendez-vous, cela aura un impact sur la motivation des membres à poursuivre la démarche. Nous avons besoin de temps pour élaborer et assimiler la vision et dégager les implications concrètes de cette vision.
L’interdépendance. Travailler en mode collaboratif est un défi car avant de dire ce que nous pensons vraiment et d’oser. Nous voulons jauger les membres du groupe avec qui nous travaillons et avoir les bases d’un climat qui inspire un sentiment de sécurité. Par ailleurs, plus nous avançons dans le processus, mieux nous sommes en mesure de voir les forces et la contribution de chacun. C'est la mémoire transactive du groupe. Nous avons besoin de temps pour acquérir la volonté de travailler ensemble.
"Donner le temps au temps de faire son temps" Miguel de Cervantès.
La capitalisation de notre audace à lancer, à créer des Cercles d'Apprentissages en #CercleAPE nous amène à poser des points méthodologiques par phases.
Illustration - Frédéric Duriez
En premier temps : distinguer ce qui nous a inspiré et le besoin encore non ou faiblement satisfait auquel nous souhaitons apporter une réponse. C'est la première phase de construction de l'intention.
En second temps : préciser l'intention et poser les valeurs dans lesquelles le cercle va fonctionner : est-ce un développement de connaissances ? S'agit-il de valider des hypothèses ou encore de tester des méthodes ? Quelle est la marge de manoeuvre à proposer aux participants ? Quels repères de valeurs leur fournir ? Quel niveau de process leur indiquer ou leur prescrire ?
Dans cette phase, les acteurs du projet font la promotion du cercle pour aider le facilitateur à constituer son groupe en proximité. L'invitation vidéo, permet une plus forte visibilité et une diffusion large. Elle est relayée par les réseaux sociaux, les blogs, les liens de proximité qui existent entre les participants.
Dans cette phase, le groupe précise ses règles de fonctionnement, et chacun est amené à définir ses objectifs, en cohérence avec l'intention de départ. Le cercle prévoit son organisation, les livrables, le mode d'animation, les étapes intermédiaires. Les membres se positionnent par rapport à des rôles qui peuvent tourner au cours de la vie du cercle.
Les récits des expériences, les photos, les vidéos, les mindmap, les dessins sont régulièrement collectés. Les productions du cercle sont mises en avant et partagées sur les réseaux. Ce partage permet d'ouvrir le cercle à ceux qui n'y participent pas directement, mais qui vont à leur tour relayer les travaux du groupe, et parfois y apporter un complément.
Un cercle d'apprentissage traverse des moments intenses, notamment lorsqu'il a entrepris d'organiser un regroupement important ou de produire une action ambitieuse. Sur d'autres périodes en revanche, et parfois sur un semestre entier, un cercle peut rester dans un sommeil apparent, sans réunion ni rencontre. Mais les liens restent importants entre les membres, ne serait-ce qu'à travers les réseaux sociaux. L'apprentissage est fait ainsi : émergence fulgurante, maturation réflexive, éclosion de projets et de résultats.
Lorsque le livrable envisagé a été produit, le cercle s'interroge sur ses perspectives. Le groupe souhaite-t-il explorer de nouveaux thèmes ou se lancer vers de nouveaux projets ? Souhaite-t-il en rester là, et se quitter avec le souvenir d'une action enrichissante ? Ainsi, en avril 2016, les nouveaux et anciens des plusieurs #CerclesAPE ont fait le choix de se recentrer autour d'un thème. L'organisation d'un hackathon apporte une diversité, elle fait entrer de nouveaux acteurs et des problématiques terrains parfois éloignées de celles des membres du groupe. La rédaction d'un "sprintbook" représente un nouveau défi, qui passe par l'utilisation d'outils et de méthodes que nous apprenons au fur et à mesure que nous les expérimentons.
Nous constatons l'efficacité des notations et commentaires entre pairs (MOOC, par exemple : les évaluations sont analogues à celles effectuées par les enseignants et correcteurs professionnels). Cela fait référence à la FOAD (Formation Ouverte et A Distance). Le cercle d'apprentissage est un moyen de renforcer la valeur des savoirs de chacun, en s'appuyant sur les utilisations passées et potentielles de ces savoirs.
Le #CercleAPE est un organisme vivant. Il cherche moins à se perpétuer et reproduire des modes de fonctionnement déjà éprouvé qu'à imaginer de nouvelles manières d'explorer le monde et d'apprendre ensemble. C'est pourquoi rien n'est figé, aucun autre plan de développement n'existe que celui pris par les initiatives de ses membres et leur capacité à imaginer de nouveaux projets et de fédérer d'autres autour des idées nouvelles.
Les organisations finissent par se scléroser, en particulier quand elles ont connu un succès ou des recettes d'efficacité. C'est pourquoi "apprendre ensemble" ne saurait se laisser ensserer dans une structure trop rigide. La liberté et l'envie de ses membres de se coaliser pour agir de concert est essentielle.
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