Maintenant que votre livre est prêt, il va être temps de penser à le rendre disponible pour vos lecteurs. Il existe de nombreuses plates-formes de mises à disposition de livres : Amazon est la plus connue, mais Google Play en est une autre et il existe des sites plus spécialisés comme Numilog, voire même FlossManuals francophone. Vous pouvez aussi cependant diffuser votre livre sur votre propre boutique en ligne, par exemple créée avec le CMS Prestashop.
Quel que soit le site que vous choisirez, vous aurez un choix important à faire : intégrer des DRM ou pas à l'intérieur de vos livres.
DRM est l'abréviation de Digital Right Management ou Gestion Numérique des Droits (GND). Derrière le terme "gestion" il faut cependant entendre restriction, car rappelons que dans la plupart des pays la gestion des droits est faite par des organismes assermentés, en particulier les sociétés d'auteurs. Il n'y a pas d'équivalent technique à ces sociétés.
Ces restrictions sont en général proposées par les distributeurs qui proposent d'intégrer le DRM lors de la vente de l'ouvrage. Ces restrictions permettent de contrôler l'usage que le lecteur fera du livre numérique, en particulier pour l'empêcher de le copier. Elles sont intégrées dans les livres en tant que système de cryptage qui utiliser des algorithmes protégés et détenus en général par quelques grandes entreprises informatiques (Microsoft, Apple, Google, Adobe... et quelques autres spécialisées). L'utilisation de ces services à un coût non négligeable à la fois financier, technique et contractuel.
L'utilisation de DRM n'est pas nouvelle et cela fait presque 20 ans que leur utilisation fait question. En effet s'il semble évident que l'éditeur ou l'auteur soient rétribués pour leur travail, il semble aussi évident que l'acheteur en est pour son argent. Et là, force est de constater que le DRM déséquilibre les positions. De plus, l'utilisation d'un DRM est le signe que l'on considère tout acheteur comme pirate potentiel ce qui peut être particulièrement désagréable : rien de pire que d'avoir acheté un film et d'y voir un message vous rappelant que vous n'avez pas à le regarder si c'est une version piratée. Enfin, et non des moindres, le DRM est un système technique visant à protéger un marché, mis en place dans la plupart des cas par des entreprises américaines. Ce point est essentiel, car l'utilisation de DRM applique un procédé de protection non contractuel et non légalisé (pas forcément dans tous les pays) qui fait office d'application de la loi à la place des services d'état assermentés à le faire.
On voit donc comment le DRM a du mal à conquérir ses lettres de noblesse. S'agissant des produits culturels, en particulier le livre, il entre frontalement en conflit avec l'image d'émancipation par le savoir qui est associé au livre depuis des siècles. Il n'en reste pas moins que cette question devra être résolue pour toute distribution par le biais de plateforme d'envergure.
La lutte contre la copie illicite ne doit pas faire oublier une notion fondamentale. Un livre est fait pour être lu, avant tout. Ainsi, l'apparition des bibliothèques (comme des radios libres) n'a pas tué la vente, voire même au contraire. La photocopie n'a pas impacté si profondément les ventes de livres papier, car les gros lecteurs, qui sont tentés par la photocopie apprécient en général les livres de qualités et s'orientent toujours dans cette direction lorsqu'il leur est possible.
En tant qu'auteur et éditeur, il est patent que la reconnaissance passe par la lecture et qu'un livre lu, mais peu acheté vaut sans doute mieux qu'un livre qui ne fait pas mouche. La reproduction illicite d'un contenu à grande échelle est souvent la preuve que ce contenu attire et que ses ventes, dans le même temps, explosent. S'il y a une concentration des succès, celle-ci n'est pas inhérente aux livres : on la retrouve dans tous les secteurs commerciaux, de la vente de poissons (accaparés par les supermarchés) aux automobiles dont le nombre de marques diminue. Le livre ne fait pas exception à cette tendance générale, et ce n'est pas la copie qu'il faut incriminer, mais la démarche commerciale de certains groupes et peut être le manque de curiosité des lecteurs que pourrait pallier une plus large diffusion d'oeuvre plus rare.
Dans tous les cas, il nous semble important de ne pas confondre les publics :
Évidemment toutes ces données mises à bout peuvent conduire éventuellement à de chiffres conséquents, mais l'évaluation du risque semble nécessaire. Parce qu'à l'inverse, il y a beaucoup d'histoires qui montrent la validité d'une ouverture et accessibilité aisée des contenus :
Il semble que ces questions sont une vraie chance pour le monde éditorial de redéfinir sa place et ses priorités en particulier en voyant les investissements à long terme et avec des yeux culturalistes et non à court terme avec des yeux d'économistes.
Pour l'éditeur, l'utilisation de DRM permettra de mieux contrôler la façon dont le livre sera lu, diffusé ou copié. On pourra les classer en deux catégories : celles qui tentent de faire appliquent les lois les plus courantes et celles qui tentent explicitement d'imposer des règles d'utilisation non légales, contractuelles ou non.
Parmi les dispositifs tentant de mettre en place une obligation de respect de la loi, on trouve par exemple :
Cela fait peu évidemment, mais le nombre de possibilités contractuelles est bien plus vaste :
Ce ne sont ici que les plus importantes. Les possibilités augmentent bien sûr avec le temps. On pourra considérer cela comme un bon ou mauvais signe selon le côté dans lequel on se place.
En fait, les avantages de l'éditeur deviennent les inconvénients du lecteur pour peu que l'on veuille bien se mettre à sa place.
Illustrons ce propos par des exemples concrets !
Enfin il est rappelé que la plupart des lecteurs epub n’intègrent pas de fonction permettant de décrypter le DRM. Ainsi Calibre, Sigil, FBreader, CoolReader et d'autres encore ne peuvent lire des livres avec des DRM, en particulier ceux mis à disposition à durée limitée dans des bibliothèques de prêt et qui touche des publics gros consommateurs de livres à l'achat. Il nous semble aussi particulièrement contradictoire d'utiliser une norme ouverte prévue comme universelle, nommons la norme Epub, et dans le même temps refermer au point de rendre le livre inaccessible. En plus de la stratégie des tiers fournissant les DRM, cette lisibilité par application change en fonction des stratégies des logiciels de lecture : ainsi il y a un an le logiciel Aldiko était conseillé et maintenant il s'agit de Blue reader. Rappelons que tout logiciel souhaitant être capable d'ouvrir des livres avec DRM doit passer contrat avec l'éditeur de la solution fournissant la protection. Mettez-vous à la place du lecteur : n'avez-vous pas autre chose à faire qu'à lire les news techniques pour savoir si vous devez changer de logiciels ou pas et cela sur son téléphone, sa tablette et son ordinateur ?
Toutes ces expériences sont vécues régulièrement par les utilisateurs. L'expérience montre qu'un lecteur qui s'y est fait prendre une ou deux fois se détournera de l'achat de livres de cet éditeur ou de cette plateforme. L'éditeur ou l'auteur qui met ses livres à disposition doit bien évaluer si la restriction lui apporte un réel gain malgré les retours et plaintes potentielles qu'il pourrait recevoir.
Notons d'abord que l'éditeur n'applique en général pas lui-même les DRM et que de ce point de vue il est dépendant d'un prestataire externe qui a ses propres objectifs qui peuvent largement différer de celui de l'éditeur et se concluront nécessairement en défaveur de ce dernier.
La première des dépendances implicites tient dans le fait que le service de protection est reporté sur un tiers. Il paraît évident qu'une confiance doit être établie entre les tiers et les contracteurs. Cela dépossède en tout cas l'éditeur ou l'auteur de la gestion de la protection de ses propres contenus. On a pu voir comment les grandes firmes informatiques, par exemple Google ou Sony, sont peu enclin à respecter eux-mêmes le droit d'auteur et il semble compliqué de pouvoir leur léguer un pouvoir de représentation des culturels.
Les vendeurs s'octroient en général la possibilité de définir eux-mêmes leur politique tarifaire. c'est le cas d'Apple qui a réévalué la grille de prix en octobre 2012 sans consulter les éditeurs alors même que dans de nombreux pays c'est l'éditeur qui doit déterminer le prix de l'ouvrage en fonction de ses propres coûts de production. Remarquons au passage que les prestataires appliquent souvent des tarifs importants à la vente : par exemple Apple prélève 40% du prix payé, alors même que c'est l'utilisateur qui vient chercher l'ouvrage, qui paie la bande passante, qui paie le logiciel de lecture et le matériel de sauvegarde de son livre. L'éditeur remplace donc le risque lié à l'impression par un prélèvement tout aussi important à la diffusion.
Dans la plupart des cas, l'utilisation d'un prestataire DRM conduira à des ventes liées. Qu'il s'agisse d'Apple et de son Apple store ou encore de Numilog qui impose l'utilisation de certains logiciels de lecture qui ne fonctionne pas sur tous les périphériques, cette situation représente une contrainte supplémentaire pour les utilisateurs qui se méfieront, voir exclura simplement les utilisateurs qui n'ont pas accès à ces matériels et réduit potentiellement d'autant les ventes de livres correspondants.
Pour télécharger les livres Numilog, par exemple, il faudra utiliser Adobe Digital Editions. Certes l'information a le mérite d'être claire. Mais en faisant un petit tour sur le site de téléchargement de l'application http://www.adobe.com/fr/products/digital-editions/download.html, on remarque qu'il n'est disponible que pour Mac et Windows, oubliant ainsi tous les autres utilisateurs y compris ceux utilisant Linux et variantes (et ils sont nombreux en université et en technique) ou ceux qui ont décidé de ne plus avoir d'ordinateur et de ce contenter d'une tablette, et ils seront de plus en plus nombreux.
Ils affirment même que pour ceux qui ne peuvent lire les livres sur leur tablettes, ils pourront y avoir accès par une lecture sur le site même de Numilog, mais avec installation de Silverlight, un logiciel de Microsoft dont la page liée au lien download a disparu le jour où nous écrivons ces lignes (voir illustration). Preuve de la difficulté à donner accès au contenu dans ce contexte.
Évidemment le contenu a peut-être été déplacé, mais le lecteur pourra-t-il s'amuser à jouer en permanence au chat et à la souris ? Il est donc évident que les solutions techniques offertes ne sont pas fiables, qu'elles n'assurent la disponibilité des livres et que dans ce contexte, les lecteurs n'auront pas de raison d'acheter de grandes quantités de livres et se diront que les éditeurs essaient de les arnaquer.
Certains prestataires particulièrement pointilleux sont assez exigeants auprès de leur fournisseur de contenu. Notons Apple qui a banni de nombreux prestataires parce qu'il ne correspondait pas à ses critères. Si on peut admettre qu'une entreprise choisit ce qu'elle doit vendre, il est en revanche plus discutable que cela soit fait après-coup. Ainsi des éditeurs qui ont travaillé pendant des semaines à préparer leur contenu pour qu'il corresponde aux règles de l'Apple store, on été accepté, connus quelques ventes puis évincés. Rendant ainsi caduques les investissements opérés. Enfin des raisons telles que :
nous semblent particulièrement contraires à la liberté d'expression.
Notons aussi que les changements réguliers des conditions d'utilisation auxquels nous ont habitués les prestataires techniques imposent un vrai suivi juridique de l'utilisation du DRM. Les coûts induits pour une petite maison d'édition ne sont donc pas neutres.
D'autres exemples encore plus flagrants ont bel et bien existé ! L'abandon de Sony Connect en 2008 a rendu les achats des clients illisibles ! Sony a été contraint d'accepter la cassage des DRM et a diffusé des informations sur les procédures à suivre pour y arriver de manière à respecter ses obligations commerciales. Résultat de l'opération les livres ont été alors diffusés sans DRM et les éditeurs qui avaient choisi cette ont été perdants.
Nous décidons de finir par le plus discutable des arguments, celui qui vise directement la qualité et le contrôle qualité du service rendu par les prestataires de DRM. En effet, s'il est bien un domaine peu fiable, c'est celui de l'informatique avec ces inévitables bugs.
Parmi ceux-ci sont les bugs de sécurité qui mettent en péril les données ou les services rendus par un serveur. Les fournisseurs de DRM sont en général de grandes entreprises informatiques, qui ont les moyens d'investir dans la réduction de ces risques, mais il n'en reste pas moins qu'il est difficile d'assurer une sécurisation complète et rend donc le DRM moins sûr qu'il ne peut être annoncé. Il existe d'ailleurs déjà des logiciels permettant l'enlèvement des mesures de protection. Bien que ces pratiques soient interdites, elles n'en montrent pas moins l'inefficacité des systèmes antipiratage, quels que soient les discours dispensés par leurs fabricants.
Bien sûr ces systèmes pourront évoluer, mais tout n'est qu'une question de temps et le passé à montré que tout système de protection mis en place fini par être contourné tôt ou tard, ou alors de détourner les acheteurs (comme ce fut le cas avec la vente de CD au début des années 2000). Il ne s'agit pas de donner raison à ceux qui attaquent les serveurs, mais c'est un fait.
À titre d'exemple, les serveurs clients Adobe ont été piratés en octobre 2013, environ 3 millions de comptes. Cela ne semble pas avoir touché les DRM, mais rien ne l'exclut.
Ce qui nous amène à traiter du point important de la confiance. En effet, il est difficile de juger a priori de la qualité du travail de prestataire dont l'objectif est de lutter contre le piratage. Les codes informatiques de ces services sont tenus secrets, à raison, tant est si bien qu'il est difficile de connaître leur performance. Il ne reste donc que le discours, souvent angélique et rassurant, du fournisseur de service lui-même, dont on peut éventuellement à raison mettre en doute l'objectivité de la parole.De nombreuses protections DRM, par exemple sur les jeux, sont régulièrement cassées, il n'y a donc pas de raison que les livres y échappent, quoi qu'en disent les prestataires.
De plus, en cas de fuite ou faille de sécurité, le livre protégé se retrouverait sans protection sur les réseaux, sans pour autant pouvoir faire remonter la raison d'un défaut de conception du système de protection.
Toutes ces contraintes pesant à la fois sur le lecteur, mais aussi sur l'éditeur pose donc de nombreuses questions difficiles à résoudre au niveau législatif étant donné la vitesse à laquelle les technologies évoluent. De nombreuses assemblées nationales avouent leur incapacité à faire un choix entre la protection avec DRM (loi HADOPI en France) et la préservation des libertés (Amendement II-22 du 11/10/2013 http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/1395C/AN/22.asp) statuant que la TVA réduite ne s'appliquera qu'aux livres sans DRM permettant :
Le but de cette est d'établir une relation de confiance entre l'acheteur et les éditeurs-vendeurs de manière à permettre une croissance du marché rapide. Cela n'enlève en rien que la copie du livre électronique comme celle du livre papier reste interdite, il appartiendra à chacun de faire valoir ses droits auprès des autorités nationales compétentes et ainsi de mieux respecter les lois de chacun en fonction de leur lieu de vie.
Publier avec ou sans DRM est donc un vrai choix éditorial, commercial, mais aussi éthique. Il questionne profondément le sens que l'on donne à l'écriture et à l'édition et en particulier la relation que l'on entretient avec son lectorat. Ces questions, implicitement résolues avec le temps dans l'édition papier, apparaissent au grand jour en édition numérique, et changent les règles cela n'est jamais simple et le risque est grand de voir des personnes s'offusquer de telle ou telle pratique. Si lutter contre la copie pirate est tout à fait louable et justifié, il n'en reste pas moins que les moyens mis en place et les problèmes qu'ils posent le sont moins. Du point de vue de l'éditeur, il n'est pas sur qu'un dispositif anticopie accroisse les ventes (ce n'est pas parce qu'on a pu photocopier les livres papiers que ceux-ci ont disparu, au contraire) et quand bien même cela serait le cas, il faudrait s'entourer dans service commercial et juridique capable de répondre aux plaintes des lecteurs insatisfaits, et cela aura aussi un coût non négligeable.
On remarquera au passage l'imprécision de grands acteurs. Par exemple, dans son mode d'emploi, Numilog présente, le format Epub comme un format Adobe alors qu'il s'agit d'une norme à laquelle concourent de nombreuses entreprises y compris de nombreux éditeurs qui ont bien vu qu'ils y avaient tout intérêt. Pour s'en rendre compte, la liste est accessible sur la page des membres de l'IDPF. On voit ainsi bien comment des acteurs bien entre eux ont tout intérêt à créer une petite mythologie commune pour imposer leurs produits au détriment des intérêts partagés entre tous les acteurs. Il y a de grandes chances que les auteurs et éditeurs soient perdants dans un tel contexte.
Nous considérons globalement que concernant la copie et le contrôle de la diffusion, le remède proposé par les entreprises informatiques et donc souvent pire que le mal et l'utilisation de DRM est une dépossession du monde culturel de son propre travail, qu'il est un frein à la circulation de l'information et du savoir et qu'il peut représenter à terme un risque culturel majeur et entraver le développement de nouvelles idées en restreignant trop fortement l'utilisation du contenu écrit par ses pairs.
Il y a une erreur de communication avec le serveur Booktype. Nous ne savons pas actuellement où est le problème.
Vous devriez rafraîchir la page.