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Fablab, Hackerspace, les lieux de fabrication numérique collaboratif

Les dérives et dangers

Après avoir décrit leur fonctionnement idéal, penchons-nous sur les différentes choses qui peuvent menacer les lieux de fabrication numérique collaboratifs, tant dans leur fonctionnement au quotidien, que sur le fond de leur démarche.

Problèmes du quotidien

Le bon fonctionnement d'un lab requiert le bon équilibre entre plusieurs facteurs, parfois délicat à trouver puis à maintenir au jour le jour.

Soucis d'argent de ressources

Les Fablabs institutionnels reçoivent généralement immédiatement des fonds et des moyens conséquents dès que la décision de leur création a été prise, ce qui leur permet de s'équiper et de fonctionner, pour une durée en général pré-établie.

Les autres lieux doivent se financer eux même, et aller chercher l'argent. Il y a une forte limitation de moyens, proportionnelle aux membres et au temps disponible. Les labs fonctionnent souvent à budget serré. Tout ce qui peut être fait est fait, jusqu'à ce que le budget devienne le plafond (même si parfois le temps bénévole peut aussi être une autre limite).

En cas de difficultés financières, l'activité du lieu peut être sévèrement affectée, lorsque les membres doivent davantage s'occuper de financer le lieu que de le faire vivre, et jusqu'au pire des cas où le fablab peut perdre son local et devoir passer en mode survie.

La dépendance financière aux subventions et aux financeurs peut être un piège qui emmène à de tels problèmes : lorsqu'un lieu finit par être trop dépendant d'une source financière en particulier (par exemple une grosse subvention régulière), l'interruption de celle-ci peut complètement bouleverser le lieu et même porter atteinte à son existence.

La dépendance à une subvention peut aussi vouloir dire que l'institution qui l'attribue peut imposer des choix à la structure, réduisant son indépendance. Plusieurs attitudes sont adoptées face à cette problématique : certains n'acceptent aucune aide extérieure, pour s'assurer une indépendance complète, d'autres n’acceptent d'être soutenus que lorsque leur indépendance leur est garantie, d'autres enfin ne placent pas ce genre de barrière, au risque malgré qu'ils gardent leur nature associative, de devenir l'équivalent d'une structure institutionnelle.

Au final, les usages et modèles économiques garantissant la pérennité des lieux reste à inventer, ou peut être à valider dans la durée. La diversité des structures telle qu'on la connait aujourd'hui est probablement signe que différentes approches sont actuellement en cours d'expérimentation.

Soucis de personnes

Si toutes les précautions ne sont pas prises, un Fablab peut être un lieu dangereux. Dans la pratique, les membres sont souvent sensibilisés et attentifs.

Allant de ne pas courir avec des ciseaux, à s'attacher les cheveux près du tour à métaux, en passant par les considérations toxicologiques et d'autres simplement de bons sens, il y a de nombreuses choses qui doivent être surveillées et comprises par tous.

Notons toutefois que l'excès de précaution conduit inévitablement à l'inaction : les différents acteurs, plutôt que de vouloir supprimer à tout prix les risques, doivent en prendre conscience et trouver les moyens adaptés de les réduire, tout en laissant une liberté d'action suffisante.

Les conflits de personnes peuvent également être un problème : certains forts caractères peuvent avoir du mal à s'accorder avec d'autres, les débats d'idées ne se passent pas toujours nécessairement bien, pouvant mener jusqu'à une scission entre différents groupes, et d'autres personnes plus discrètes peuvent hésiter à pointer des problèmes du doigt, jusqu'à ce que la situation s'envenime.

Il est également assez facile de se retrouver du côté des excluants dans une situation de ségrégation, sans nécessairement s'en rendre compte. Dans un lab où la majorité des membres appartient à un groupe, des comportements a priori innocents tels que des plaisanteries ou des remarques peuvent, si répétées, créer un environnement que la minorité recevra comme inhospitaliers.

Soucis de fonctionnement

Les membres du lab s'attendent à ce qu'il soit propre, que les machines fonctionnent, que les outils soient à leur place, et qu'ils puissent y accéder. Les standards de chacun varient, mais un problème dans ces domaines peut rendre le lab moins fonctionnel, moins accueillant, voire complètement inutilisable.

Dès qu'un équipement est en panne, il retarde les projets qui souhaitaient l'utiliser, et c'est toute une partie de l'activité du lab qui doit être mise en pause. Avoir des pièces de rechange est indispensable, surtout pour celles qui doivent être changées régulièrement ( tube laser ). La surutilisation peut aussi être un problème : si quelqu'un monopolise une machine, les autres en pâtissent.

Sans personne spécifique à qui incombe seule la responsabilité de cette tâche, le lab doit être un lieu où chacun nettoie après soi, et s'organiser pour que le ménage plus général ne soit pas toujours assuré par les mêmes, voire complètement négligé.

Beaucoup de labs ont une forte activité de récupération et de réutilisation d'objets. Des machines-outils aux bidouilles électroniques, les poubelles des uns sont la matière première des autres. Attention toutefois, un trop grand enthousiasme, voire certains voyant là l'opportunité de se désencombrer, peut emmener à une offre bien supérieure à la demande, et à un lab submergé de merveilles potentielles qui ne font que remplir les étagères, et bientôt les couloirs.

Conserver un lab opérationnel est une tâche de tous les instants, et il incombe à tous les acteurs de faire en sorte qu'il puisse en être ainsi.

Non réalisation des objectifs

Outre les problèmes du quotidien décrits ci-devant, il existe tout un ensemble de dangers plus fondamentaux, conceptuels, mais néanmoins sérieux : dévoiement, élitisme, et illusions menacent l'idéal des lieux de fabrication numérique collaboratifs.

Détournement et exploitation

La popularité des Fablabs peut faire que certains, sans nécessairement contribuer au mouvement ou même être en accord avec ses valeurs, « récupèrent » cette image positive. Cela peut se faire en se présentant comme partie de la communauté sans y contribuer, ou en réutilisant le même vocabulaire, causant la confusion du grand public. Des entreprises peuvent contribuer à un Fablab puis chercher à obtenir un bénéfice en publicité/relations public disproportionné par rapport à la contribution. On peut parfois également retrouver ce genre de problème dans la sphère politique.

Autre déséquilibre, certaines organisations peuvent chercher à obtenir en échange d'une aide matérielle ou financière une quantité de temps bénévole ou d'attention disproportionnée par rapport à sa contribution, et ce a posteriori comme sous la forme de promesses vaines.

Un Fablab ne devrait pas être considéré comme une source de main-d’œuvre gratuite ou d'open-washing*.

L'entre-soi

Malgré ses valeurs fondatrices d'ouverture, le risque d'entre soi et d'élitisme est réel. Le fait est qu'aujourd'hui, il y a majoritairement des hommes, blancs, aisés, formés, dans l'univers des fablabs. Pour réellement atteindre son objectif d'ouverture au plus grand nombre, les fablabs doivent agir pour attirer et inclure des publics les plus variés possible, et s'implanter partout dans le monde (notamment, en tirant parti de l'effet de réseau).

A ce jour, pas de recette miracle pour lutter contre cet effet pervers, mais encourager l'esprit de curiosité auprès des jeunes, préparer l'avenir en modifiant dès le départ les systèmes de valeurs inculqués aux générations futures, peut paraitre une approche viable. En effet, il est parfois plus facile et plus fructueux de proposer, de construire meilleur, plutôt que de critiquer et tenter de modifier a posteriori.

Il faut veiller à ne pas reproduire dans les fablab la ségrégation existante entre les différentes catégories socioprofessionnelles.

L'illusion de la facilité

Ce n'est pas parce qu'on a accès à une machine à commande numérique que l'on devient expert en la matière. L'apparente facilité d'utilisation (puisque la machine "est automatique") est généralement trompeuse, du moins tant qu'un apprentissage conséquent n'est pas réalisé. De la même façon qu'une immense majorité des utilisateurs d'ordinateurs n'ont aucune idée des détails de son fonctionnement, y compris parmi les utilisateurs avancés (professionnels), il y a le risque que bon nombre de gens croient maîtriser la fabrication, alors qu'ils n'attaquent que très superficiellement les choses, et se contentent de consommer quelque chose de différent : utiliser une imprimante 3D qu'ils ne maîtrisent absolument pas, pour imprimer un modèle préexistant, est sensiblement différent de l'idéal du "tous fabricants".

De la même façon, si n'importe qui peut se prétendre "fabricateur" après avoir cliqué sur "imprimer" dans un lieu de fabrication numérique collaboratif, les personnes qui prennent le temps de s'approprier en détail un domaine technique peuvent ne pas apprécier cette vision superficielle de leur domaine. Cela peut également créer la confusion dans l'esprit du grand public, qui ne sait plus distinguer l'expert de l'orateur (même si les deux ne sont pas incompatibles ni opposés). Il reste important d'encourager et de reconnaître l'effort d'approfondir les choses.

Rome ne s'est pas construite en un jour... et une imprimante 3D n'aurait pas aidé tant que ca à aller plus vite.

Il est clair que l'existence de lieux de fabrication numérique collaboratifs réduit le "ticket d'entrée" dans les domaines techniques, en prenant le parti pris de s'ouvrir à tous. Ceci étant, il n'y a rien de magique dans le processus : acquérir des connaissances et pratiques requiert du temps, et jusqu'à nouvel ordre, l'expérience n'est pas téléchargeable.

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